mercredi 26 janvier 2011

Témoignage d'Aurélie

Bonjour à toutes et à tous,

Je m'appelle Aurélie, j'ai 21 ans et je souffre de troubles du comportements alimentaires depuis 4 ans.
Je crois que j'ai vécu quasiment toutes les manifestations possibles de la maladie: crises de boulimie sans vomissements mais avec compensations (sport à outrance,jeûne parfois pendant plusieurs jours), puis anorexie mentale restrictive avec perte totale de l'envie de manger.
J'ai ensuite connu une courte période d'hyperphagie pendant laquelle j'avais tout le temps envie de manger et, une fois commencé, je ne m'arrêtais que lorsque j'étais écoeurée avec des maux de ventres terribles et un profond dégoût de moi-même. Pour essayer de reprendre le contrôle, je faisais des journées "liquides"(soupe,jus de fruit) et des journées sans mes aliments interdits donc avec quasiment rien d'autre que laitages, fruits, un peu de viande, ce qui m'amenait à faire d'autres crises puisque la faim me tenaillait allant même jusqu'à m'empêcher de dormir.
La dernière évolution de la maladie (mon "allien" comme je l'appelle) a été l'apparition des vomissements, rares au début, ils sont devenus quotidiens et de mai à décembre 2005, je ne supportais plus d'avoir quelque chose dans l'estomac. Je faisais donc des repas pantagrueliques qui pouvaient durer jusqu'à 6h mais comme rien ne "passait", j'ai perdu 16kilos en 4mois pour finir par peser, le 15 novembre 2005, 44 kilos pour 1m76. J'ai du mettre mes études de droit, qui m'intéressaient et que je réussissais, entre parenthèses car le quotidien n'était plus gérable.

J'ai employé des termes techniques et donc forcément impersonnels pour décrire mon parcours mais j'ai vraiment souffert de ma maladie et de ses mutations avec l'impression,à chaque fois que je trouvais un début de solution,que la maladie développait une nouvelle façette et qu'en quelque sorte elle me tenait par le pied pour me taper dans tous les murs,toutes les failles qu'elle trouvait dans mon inconscient.
J'ai vécu des moments d'épuisement,de solitude et de lassitude terribles: vidée physiquement, psychologiquement, avec l'impression que l'engrenage engendré par mon angoisse de grossir et mon manque de confiance finirait par avoir ma peau.
J'ai toujours été lucide sur ma maladie et j'étais suivi pendant cette période par mon généraliste et ma psychiatre.
Mon médecin me faisait faire des bilans sanguins (souvent à ma demande car je lui faisait part de mes inquiétudes liées à mes douleurs au ventre, aux dents et à mon amaigrissement) et, à part me prescrire quelques compléments comme du magnésium ou du potassium, il ne s'est pas inquiété outre mesure. Il m'a tout de même envoyé voir un gastroentérologue à l'hôpital suite à une gastro m'ayant fait perdre 2kilos en peu de temps.
Celui ci a grimacé en voyant mes bilans sanguins et m'a annoncé qu'une hospitalisation était nécessaire car le manque de potassium risquait de provoquer un arrêt cardiaque. Je suis tombée de haut concernant la gravité de mon état puisque pour mon médecin les prises de sang était bonnes. Je suis rentrée à l'hôpital le 1er décembre, j'ai été alimentée exclusivement par sonde pendant 5 jours. A
u bout de 2 jours j'ai eu un déclic et je me suis sentie prête à remanger de tout. Je suis finallement sortie après 1 semaine et je suis rentrée chez moi avec la sonde que j'ai enlevée toute seule le jour de mon anniversaire le 11 décembre.
J'ai ressentie très vite les effets de la renutrition: le cerveau plus "clair", de la bonne énergie (et plus celle qui faisait que je ne tenais plus debout que grâce aux nerfs), plus ce froid glacial dans tout le corps qui raisonnait comme l'approche de la mort, plein de temps pour prendre soin de moi... j'ai eu quelques passages à vide: j'ai craqué et vomi 4 ou 5 fois en 1mois mais ce n'était pour moi que des accidents et j'ai repris la lutte pour ma reconstuction à chaque fois avec la même force.
Aujourd'hui, je pèse 56kilos: j'ai repris vite au début car comme je ne buvais plus, mon corps manquait d'eau, mais pour celles ou ceux que la perspecive inquiète, il n'y a pas de souci à se faire car j'ai été moi même étonnée par le fait que ça ne se voit quasiment pas. J'étais extrêmement maigre et je suis aujourd'hui encore très mince et je grossis beaucoup plus difficilement qu'au début, l'objectif fixé avec l'hôpital étant à 59 kilos.

Mon message est donc un message d'espoir et de soutien pour toutes celles et tous ceux qui vivent au quotidien l'enfer de cette maladie et à leur entourage: nous avons tous en nous cette force de vie qui fait qu'un jour on trouve le bout du fil de la pelote qui nous permettra de dénouer les souffrances qui nous ont amené à nous maltraiter de la sorte.
N'abandonnez jamais le combat même s'il y a des jours où le desespoir est immense et où le sens de notre vie nous échappe.
Aujourd'hui, même si c'est parfois encore difficile et que j'ai toujours besoin de continuer mon travail psychothérapeutique, qui est loin d'être achevé; je commence à me réconcilier petit à petit avec mon corps, à le respecter, le redécouvrir, me redécouvrir et je me sens libre de cette maladie qui m'a enchaînée pendant toutes ces années.
Quel plaisir de redécouvrir les goûts, de partager un repas avec les gens qu'on aime, de s'autoriser à avoir faim, d'avoir l'envie et l'énergie de faire plein de choses.
Je finirai juste par un petit poème d'Eluard que je vous envoies à tous avec toute mon affection
"Et par le pouvoir d'un mot je recommencerai ma vie,
je suis né pour te connaître, pour te chanter,
LIBERTE."


http://forum.doctissimo.fr/sante/anorexie-boulimie/temoignage-sujet_162420_1.htm

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